En façade, les grandes colonnes, à l’intérieur, le barbier, le tailleur et le so british Luncheon Club. Dans la grande salle aux armatures métalliques, on imagine encore l’aura des floor traders qui déclarent leur cote à la frénésie ambiante. La cloche sonne. Prix de vente et prix d’achat se livrent un bras de fer interminable au rythme des panneaux qu’on accroche et de la cloche qui sonne, encore. Plus, moins, beaucoup, beaucoup trop de stress pour le commun des mortels, l’excès de tabac n’y changera plus rien. La salle des marchés est entrée dans la légende. C’est le 18 broad street. C’est la bourse.
Mais les choses ont bien changé depuis deux décennies. L’avènement des cotations électroniques a rendu l’ambiance plus studieuse. Le tailleur et le barbier ont fermé boutique, les algorithmes sont rois. Les successions de crises ont mis l’or refuge sur le devant de la scène et les gouvernements tentent de relancer l’économie en jouant sur la fiscalité. Alors une question se pose : la bourse est-elle toujours la championne de la rentabilité ?
Assurance vie, livrets réglementés, or, bourse ou immobilier, pour placer son épargne, les solutions sont légion. Alors pour y voir un peu plus clair, nous avons retrouvé une étude d’ASTERÈS, le cabinet de conseil en économie.
Le comparatif analyse le taux de rendement de divers placements sur le CAC40 (dividendes incluses), l’immobilier, l’assurance vie, le livret A et l’Or. Ces investissements, d’une durée de 10 ans, ont débutés entre 1980 et 2005 pour se terminer entre 1990 et 2015.
On y découvre que pendant toute la fin du 20ème siècle, le classement des placements financiers était assez prévisible : Le CAC40 avec des rentabilités de 15 à 20% par an dominait l’immobilier qui faisait 10 à 15 %. Venaient ensuite les très stables assurances vie et livrets bancaires peu rentables. Et l’Or, pourtant symbole absolu de richesse, finissait dernier avec des rendements négatifs autour de -5 % par an.
Mais deux événements vont tout chambouler. En 2000, l’explosion de la bulle internet fera brutalement chuter la capitalisation de l’indice parisien. En 2008, suite à la crise des subprimes, Lehman Brothers s’effondre et ébranle le monde dans sa chute. Les banques ont peur, précaution ultime, elles ne prêtent plus. La bourse recule encore une fois mais surtout, il devient extrêmement compliqué de contracter un crédit immobilier.
La conséquence est sans appel : Sur le début du 21ème siècle, le rendement de l’immobilier, affaibli par la crise des emprunts, chute doucement mais reste positif. La bourse, elle, choquée par deux fois s’écroule et atteindra même des rendements négatifs sur une courte période. L’or profite des inquiétudes pour s’envoler et devient pour la première fois un placement financier avantageux. Pour un investissement sur 10 ans, l’immobilier est un type de placement qui a beaucoup mieux fonctionné que la bourse, son éternelle rivale.
Les rendements des contrats d’assurance-vie et livrets d’épargne, sont moins impactés grâce à leurs taux réglementés. Mais leurs performances continueront leur décroissance jusqu’à fournir une rente négligeable. Épargner n’aura jamais été un tel casse-tête.
Alors bien sûr, pour parfaitement appréhender les bénéfices d’un placement sur votre épargne-retraite, votre patrimoine ou votre revenu, il vous faudra aussi prendre en compte votre impôt sur le revenu. En étant exonérés ou en jouant d’avantages fiscaux on peut modifier les rentabilités.
Entre risque et rendement incertain, face à l’immobilier et à l’or, la bourse, telle Goliath, ne serait-elle pas un géant incapable de faire face ?
Des ressources à exploiter
Ces dernières années, la bourse a donc été moins rentable que l’immobilier locatif. Elle a déçu les spéculateurs, mais tentons de comprendre pourquoi.
Le marché boursier à une caractéristique : son cours peut changer brutalement à la hausse comme à la baisse à l’arrivée de diverses annonces : c’est un marché très volatile, plus que l’immobilier comme nous le rappellent certains articles indispensables. Et dans un marché volatile il y a un élément clef : le timing. Dans un de ses exemples, les échos expliquent qu’en investissant sur le CAC de 1985 à 2005, un souscripteur aurait profité d’un rendement de 14 %. Mais le même investissement réalisé deux ans plus tôt (de 1983 à 2002), aurait rapporté 30 %.
Ce problème de volatilité n’est pas nouveau. Pour sécuriser les plus-values, il existe même des solutions bien connues des traders : Il faut investir sur le long terme et surtout, il faut réinvestir les dividendes. En les réinvestissant, les dividendes fructifient à leur tour et peuvent augmenter la rentabilité du placement de 30 %. Sous ses cheveux en bataille, Einstein déclarait : « Les intérêts composés sont la 8ème merveille du monde ».
Pour le vérifier, le Revenu a publié une synthèse de la rentabilité cumulée de différents placements sur le long terme. Le constat est pour le moins étonnant. Le célèbre cabinet conseil montre que déjà dans les années 70 un investissement à 10 ans pouvait révéler une rentabilité chaotique, quel que soit sa nature. Mais après quelques années de plus, les actions avec dividendes deviennent excellentes avec une progression de 9 % par an en moyenne. L’immobilier prend la seconde place avec 7,8 % par an, le contrat d’assurance vie est troisième avec 7,33 %, l’or progresse de 7,08 % par an.
Le livret d’épargne avec un taux de rémunération moyen de 1,04 % par an est loin derrière l’inflation qui est à 4,05 % par an en moyenne. Les versements d’intérêts ne compensent plus l’augmentation du coût de la vie, l’épargne n’est pas un moyen de placer son argent.
Dès lors que la durée de l’investissement augmente, la rentabilité se positionne clairement en faveur des placements boursiers.
Mais les performances passées ne présagent pas des performances futures. Beaucoup craignent d’ouvrir ce qui pourrait bien être une séduisante boite de pandore. La bourse a mauvaise réputation, elle fait peur.
La bourse : maîtriser le risque
La bourse n’est pas sans risque, des krachs sont possibles. Pourtant l’investisseur professionnel ne semble pas s’en inquiéter. Pour investir sereinement, il a des techniques :
L’Investissement sur le long terme. Il travaille ainsi sur la rentabilité moyenne en évitant les bulles et les krachs.
- L’étalement des prises de position sur une durée de 5 ans. De cette façon, il achète à un prix moyen plutôt que trop haut.
- La méfiance envers les titres qui proposent des dividendes trop élevés.
- La diversification de leur portefeuille pour diluer le risque.
- Finalement, il reste calme et réfléchi.
Investir dans l’immobilier ne permet pas d’utiliser ces techniques. Il est compliqué d’acheter progressivement une maison sur 5 ans à un prix variable. Se diversifier dans la pierre demande des apports de fonds importants. La faible liquidité du marché ne permet pas de choisir précisément le timing.
L’immobilier présente même un risque qui lui est propre : il s’abîme. Chauffage à réparer, couverture à refaire… Ne rien faire accélérerait la dépréciation du bien et pourrait même le rendre impropre à la location. La gestion de patrimoine d’un investisseur immobilier raisonné inclut une épargne de précaution : des liquidités permettant de réaliser les travaux d’urgence.
Il faut donc être attentif à la durée du placement et au niveau de risque. Pour réduire le risque il faut allonger sa durée et sur les investissements de longue durée, la bourse est bel et bien championne.
Préparer l’avenir
Aujourd’hui encore, investir en bourse promet les meilleures rentabilités. Mais les événements de ces 20 dernières années l’illustrent : pour tirer le maximum de la bourse, il faut agir avec patience et méthodologie. La frénésie de Broad Street a laissé place au calme et aux mathématiques. Les salles de marché changent avec la société, mais elles ont encore une longue histoire à nous livrer.