La naissance du Duché
Aux VIIIe-IXe siècles, l’Empire carolingien correspond à un immense territoire comprenant la France actuelle (sauf la Bretagne) et une grande partie de l’Allemagne et de l’Italie telles que nous les connaissons aujourd’hui. En 843, cet Empire subit un premier partage, entre les trois petits-fils de Charlemagne: à Charles le Chauve revient la Francie occidentale, partie ouest de l’Empire; Louis le Germanique reçoit la Francie orientale, qui correspond à l’Allemagne actuelle; Lothaire Ier récupère le titre d’empereur ainsi que la Francie médiane, large bande territoriale située entre la Francie occidentale et la Francie orientale et allant de la mer du Nord au centre de l’Italie.
En 855, la Francie médiane fait à son tour l’objet d’une partition entre les trois fils de Lothaire Ier: Louis II reçoit l’Italie et le titre d’empereur; à Lothaire II revient le nord de la Francie médiane (Pays-Bas, Belgique et ouest de l’Allemagne actuels); Charles hérite du royaume de Bourgogne, qui comprend la Bourgogne et la Provence.
Au Xe siècle, le roi de Francie orientale (aussi appelée Germanie) puis, à partir de 962, l’empereur romain germanique, confient le gouvernement de la Lotharingie à des ducs, après que cette dernière ait été érigée en duché par le roi de Germanie Henri Ier l’Oiseleur, en 925. En 959, le duc de Lotharingie, Brunon de Cologne, et son frère, le futur empereur germanique Otton Ier, partagent la Lotharingie en deux sous-ensembles: la Basse-Lotharingie, qui correspond au nord du duché, et la Haute-Lotharingie, qui comprend les diocèses de Metz, Toul et Verdun, ainsi qu’une partie du diocèse de Trêves et du diocèse de Reims.
La Haute-Lotharingie devient Lorraine
En 977, le comte de Bar Frédéric obtient le duché de Haute-Lotharingie qui se transmet ensuite à ses descendants jusqu’à Frédéric III. A la mort de ce dernier en 1033, le duché est confié à Gothelon Ier, duc de Basse-Lotharingie. Son fils Godefroy II hérite de la Haute-Lotharingie, mais ne reçoit pas la Basse-Lotharingie, ce qui l’amène à se révolter. Vaincu, il se voit confisquer la Haute-Lotharingie, que l’empereur germanique Henri III attribue à Adalbert d’Alsace, comte de Metz, en 1046. Godefroy II, revendiquant toujours le duché, fait assassiner Adalbert. Mais c’est le frère de ce dernier, Gérard d’Alsace, qui reçoit le duché des mains de l’empereur, en 1048. C’est à partir d’Adalbert et de Gérard que l’on commence à parler de Lorraine pour désigner la Haute-Lotharingie. Gérard Ier de Lorraine est le fondateur de la prestigieuse Maison de Lorraine, dynastie qui régna sur le duché jusqu’au XVIIIe siècle. Le nouveau duc fait construire un château et une petite cité, et donne ainsi naissance à la ville de Nancy, qu’il choisit comme capitale du duché de Lorraine.
Des enclaves dans le duché
Sous Adalbert d’Alsace puis Gérard Ier de Lorraine, le duché doit faire face à des révoltes et des revendications d’indépendance de la part des seigneurs locaux: les évêchés de Metz, Toul et Verdun dont les évêques deviennent les comtes; le comté de Bar, dirigé par les descendants du duc de Haute-Lotharingie Frédéric III qui furent écartés de la succession au duché au profit de Gothelon Ier et qui n’eurent de cesse, par la suite, de le revendiquer; le comté de Vaudémont; d’autres petits comtés comme Sarrebruck, Deux-Ponts, Salm, Blieskastel, Sarrewerden. Ces évêchés et comtés acquièrent de plus en plus d’autonomie à l’intérieur du duché de Lorraine, jusqu’à en constituer des enclaves qui échappent complètement au pouvoir du duc.
L’alliance avec la Maison d’Anjou
En 1420, Charles II de Lorraine marie sa fille et héritière Isabelle à René Ier d’Anjou, duc d’Anjou, plus connu sous l’appellation de Roi René. Ce dernier, arrière-petit-fils du roi de France Jean II le Bon, et également héritier du comté de Bar, devient alors duc de Lorraine. René doit cependant défendre ses droits contre Antoine de Vaudémont, qui, en tant que neveu de Charles II, se trouve être le plus proche héritier mâle de ce dernier. Le duc d’Anjou est battu en 1431 et fait prisonnier. Le duché de Lorraine passe finalement à Jean II, fils de René d’Anjou et d’Isabelle de Lorraine. En 1473, à la mort de Nicolas d’Anjou, fils de Jean II, le duché revient à à René II, fils de Yolande d’Anjou (elle-même fille de René Ier d’Anjou) et de Ferry II de Vaudémont (fils d’Antoine de Vaudémont). De ce fait, le duché de Lorraine passe de la Maison d’Anjou à la Maison de Vaudémont.
La Maison de Vaudémont
Le nouveau duc est donc le petit-fils des deux anciens concurrents pour le duché de Lorraine. En 1477, se déroule la célèbre bataille de Nancy entre René II et Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Ce conflit se termine par la défaite de Charles, permettant à la Lorraine de rester indépendante.
La mort du duc Henri II, en 1624, provoque des difficultés de succession. Sans héritier mâle, il avait désigné, pour lui succéder, sa fille Nicole, mariée à Charles de Vaudémont. Ce dernier, ne pouvant se contenter du titre de duc consort, revendique, en tant que fils du frère cadet d’Henri II, la pleine souveraineté sur le duché, qu’il obtient sous le nom de Charles IV.
Les invasions françaises
Cette succession provoque l’hostilité du roi de France, Louis XIII, dont les troupes finissent par envahir le duché de Lorraine, contraignant Charles IV à abdiquer en 1634. Au XVIIe siècle, la Lorraine connaît trois invasions par les troupes françaises. Finalement, par le traité de Ryswick, en 1697, Louis XIV renonce au duché de Lorraine qui revient au duc Léopold, fils de Charles V, lui-même neveu de Charles IV. La Lorraine garde des liens avec la France, car Léopold épouse Elisabeth-Charlotte d’Orléans, nièce de Louis XIV. L’Alsace et la Franche-Comté ayant été intégrées au royaume de France, le duché de Lorraine se retrouve enclavé à l’intérieur du territoire français.
Une Lorraine nouvellement indépendante
Léopold Ier, duc de Lorraine et de Bar, entreprend une politique de reconstruction et d’embellissement de sa Lorraine de nouveau indépendante. Après avoir fait reconstruire le château de Lunéville, de 1703 à 1720, il fait de la ville la capitale princière. Le château de Lunéville devient ainsi la résidence du duc. Surnommé le « Versailles lorrain », il illustre le prestige et l’indépendance du duché de Lorraine. François III, fils de Léopold Ier, succède à son père en 1729 mais laisse la régence du duché à sa mère, afin d’effectuer un tour de l’Europe.
La Lorraine devient française
François III épouse Marie-Thérèse d’Autriche, héritière du Saint-Empire romain germanique. Il est donc prévu qu’il devienne empereur et qu’il rattache ses duchés lorrain et barrois à l’Empire afin de les protéger des prétentions françaises. Or, la Lorraine et le Bar sont enclavés dans le royaume de France et le roi refuse de les voir appartenir à l’Empire. Louis XV signe donc un accord avec l’empereur Charles VI, par lequel François III céderait la Lorraine à la France; en échange, il lui serait accordé le grand-duché de Toscane. En 1737, Louis XV offre le duché de Lorraine à son beau-père Stanislas Leszczynski, ex-roi de Pologne. La duchesse Elisabeth-Charlotte doit quitter le château de Lunéville, désormais occupé par Stanislas, pour rejoindre la principauté de Commercy, où elle meurt en 1744. A la mort de Stanislas, en 1766, la Lorraine et le Bar deviennent définitivement français, sonnant la fin des 700 ans d’existence du duché de Lorraine.